mardi 18 janvier 2011

De l'avenir de la France

" Nous voulons mettre en œuvre une politique basée sur la remise en ordre de l’Etat-Nation par une souveraineté recouvrée,la revitalisation de la démocratie par la participation des citoyens aux affaires qui les concernent, un Etat  protecteur et efficace  au service de la communauté nationale, garant de la laïcité, de la prospérité et des libertés.Un Etat luttant partout contre l’injustice engendrée par le règne de l’argent-roi."

Marine Le Pen, discours d'investiture du 17 janvier 2011
Affiche de campagne du FN interdite durant les régionales

J'ai beaucoup hésité avant de publier ce message. Marine Le Pen est tellement médiatisée ses derniers temps que cela pourrait s'avérer dangereux pour l'issue des prochaines élections : car, qu'on l'aime ou qu'on la déteste, tant qu'on lui accorde une place grandissante dans l'espace publique, son but reste atteint : on parle d'elle. Alors, tranquillement mais fermement, elle fais passer son message, certaine de trouver dans l'assistance des auditeurs réceptifs à son discours et ses idées. 
Dans ce cas, me diriez-vous, pourquoi enfoncer le clou? La réponse est simple : car je n'ai pas l'impression que les citoyens français mesurent l'ampleur de ce qui se trame sur la scène politique.
 Si la situation n'évolue pas, il est presque sûr que le FN passera de nouveau au second tour. 

Je n'avais pas encore 10 ans le 21 avril 2002 pourtant je me souviens clairement de la surprise générale provoquée par le score anormalement élevé de Jean-Marie Le Pen. Je me souviens de la stupeur, de l'émotion et de la colère des français transformée en immenses manifestations destinées à sauver l'intégrité de notre République. Le résultat final des élections présidentielles a été vécu comme un soulagement, le score historique du FN comme une erreur et un avertissement pour notre démocratie. Ainsi, le manque d'investissement politique des citoyens et l'émiettement des partis ont favorisés la monté de l'extrême-droite. Nous voilà prévenu, comme le dit le proverbe, "chat échaudé craint l'eau froide". 

Et pourtant...près de 10 ans plus tard,  cette "erreur" est sur le point de se réitérer, comme si nous n'avions pas retenu la leçon. Cependant, les cause de la hausse des intentions de vote pour le Front National en 2012 (18% selon le dernier sondage Marianne-CSA) ont changé depuis les élections de 2002. 


Premier facteur : la crise et ses conséquences

Nous vivons une crise économique et sociale d'ampleur inégalée depuis le krach boursier des années 1930. Les plans d'austérité économique élaborés par de nombreux pays pour faire face  à la crise se combinent à une augmentation du coût de la vie et pèsent sur le budget de nombreuses familles, y compris parmi les classes moyennes. Dans ce contexte socio-économique pénible, s'installe un climat d'angoisse, d'anxiété et de peur pour l'avenir.

Or, l'Histoire a tristement démontré que les partis d'extrême droite tirent leur force politique de cette peur qu'ils excellent à instrumentaliser. Il est plus facile de se liguer contre un ennemi commun (en l’occurrence l'islam et l'immigration) en l'accusant de tous les maux dont souffre la France que de faire face à un avenir politique social et économique incertain et donc profondément angoissant. En sommes, choisir l'extrême droite c'est opter pour la facilité au détriment de l'éthique et de l'intégrité. Pour être rassuré, le citoyen fait des choix immoraux. 

La corrélation entre crise économique et montée des extrêmes semble se vérifier à travers de nombreuses démocraties occidentales. Pour la première fois, l'extrême droite suédoise (SD) à fait son entrée au Parlement. En 2009, l'extrême droite a réalisé un score record aux Pays Bas, en Hongrie, en Autriche, en Belgique. La ligue du Nord, parti populiste et xénophobe travaille en étroite collaboration avec Silvio Berlusconi, le président italien. Les votations suisses à l'encontre des minarets et la percée fulgurante du Tea Party américain ultra-conservateur confirment cette tendance. 

La popularité croissante du Front National français serait donc le reflet de la situation politique internationale en ces temps difficiles de récession économique et de malaise social. 

Deuxième facteur: le nouveau visage du Front National


On la savait favorite depuis le début de la course à la présidence du Front National, sa consécration au poste suprême du parti le 17 janvier dernier n'a fait que confirmer son irrésistible ascension. Marine Le Pen est, incontestablement, une actrice majeure de la vie politique française. 

Ce qu'il y a de fondamentalement dangereux chez la nouvelle présidente du FN c'est qu'en ayant pour but d'arriver réellement au pouvoir, elle transmet une toute nouvelle image du parti d'extrême droite, plus ouverte et plus démocratique.

Déjà en soi, le personnage de Marine Le Pen incarne ce symbole de renouveau et de modernité. Jeune, dynamique et charismatique,  elle ne porte pas sur ses épaules le passé trouble de son père : on ne lui attribue ni propos négationnistes, ni blagues racistes. 

Forte de cette image renouvelée et donc plus respectable, elle diffuse également des idées neuves se voulant plus modérées que celles de Jean-Marie Le Pen. Tout en condamnant résolument le capitalisme et ses effets dévastateurs sur les citoyens, elle dénonce la visibilité de l'islam au nom d'un idéal de laïcité et se vante d'être la représentante de l'unique parti véritablement démocratique de la France en se prétendant réellement à l'écoute des besoins du peuple (cf discours ci-dessus). 

Or, la démocratie n'est pas seulement un mode d'élection des représentants de la Nation, c'est aussi un système de valeurs fondamentales (comme le respect, la dignité, l'égalité, la liberté) qui se doit d'être respecté et appliqué par les représentants de l'Etat. Et il semble évident que le Front National n'est pas et ne sera jamais en accord avec ces idéaux. La notion même de "préférence nationale", terme politiquement correct signifiant "persécution des étrangers" implique une inégalité si forte et une injustice si grande envers les immigrés qu'elle est incompatible avec tous les idéaux humanistes de la France et donc intolérable.  


Pourtant, Marine Le Pen et son discours n'apparaissent plus comme une réelle menace pour la République française, tant et si bien que voter pour le Front National ne se révèle plus être un acte isolé ou honteux. Les témoignages favorables à Marine Le Pen se multiplient, le profil de l'électeur type se modifie : plus jeune et plus déterminé, il agit à visage découvert et revendique son affiliation politique comme un acte contestataire et moderne. Quoi de plus paradoxal lorsque, lisant attentivement le programme du FN, on se rend compte des mesures archaïques proposées par ce parti profondément conservateur.


Troisième facteur : la vie politique française

La dernière raison qui me pousse à penser que le FN est sur le point de réitérer l'expérience de 2002 repose sur le paysage politique dans lequel nous évoluons. Les deux grandes forces politiques françaises (PS et UMP) ont une part de responsabilité dans l'ascension de l'extrême droite en terme d'opinion favorable et d'intention de vote.

Les luttes intestines du parti socialiste à propos de la nomination du futur candidat à la présidence de la République nuisent à son image nationale et internationale et le dé-crédibilisent dans son rôle d'opposition politique. Il semble que le PS soit plus affairé à trouver un candidat capable d'affronter Nicolas Sarkozy aux prochaines élections qu'à proposer des solutions efficaces pour améliorer le bien-être social et économique des français. 

Face à ces tourments partisans, se dresse l'image du Front National, portée par un leader tout désigné (et ce, avant son élection officielle) , martelant des idées claires et fortes tout en dénonçant sans relâche la politique menée par l'actuel président, attirant ainsi de nombreux déçus du sarkozysme. 

A ces considérations, s'ajoutent les propos de Nicolas Sarkozy, appuyé par son parti d'origine, l'UMP. Le tournant sécuritaire effectué cet été pour asseoir son image de président actif et intransigeant aura eu pour conséquence de décomplexer de nombreux citoyens. Après tout, pourquoi ne puis-je pas me permettre de lier délinquance et immigration, puisque mon président s'est permis de le faire? Et ce que le président à dit n'est finalement pas si éloigné des propos tenus par le FN, alors qu'y-a-t-il de dérangeant à adhérer aux idées de ce parti?

Et maintenant, que faire?

Je n'estime pas avoir la compétence ni les moyens  de proposer une réelle solution à ce problème.
Cependant, être conscient de l'importance croissante prise par le Front National est déjà un grand pas. Cela nous force à être vigilants dans nos paroles et nos actes.
Je n'inciterais personne à voter de quelque manière que ce soit, cela irait à l'encontre de la liberté de choix à laquelle je crois, simplement je pense qu'il est important de voter en connaissance de cause.

Bien à vous,

L'octopus.


2 commentaires:

  1. Bravo Moanna !
    Un peu étoné au bout de deux jours de parution de l'octopus d'être le seul membre sympatisant de ton nouveau blog. J'ai une exclue ?
    Sinon juste te dire que tu écris très bien, que tes propos sont justes et bien dosés. Et que tout le monde a intérêt à se mettre en mouvement si on ne veut pas de mauvaises "surprises " (après tout si elles arrivent on les aura bien cherché !).
    Alors continue à te mobiliser et à mobiliser les uns et les autres !
    Bises !

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